Armoria aussi pensait. Seulement, elle pensait de loin, et pensait à bien des choses. Mais elle aurait sans doute pensé, si elle avait été dans les parages, que trop de gens pensaient, et bien peu parlaient dans les mêmes termes que ce qu'ils semblaient penser. Ah, le courage de penser noir quand on dit blanc pour glaner titres et gloriole ! Ah, l'audace de la réflexion qui demeurait bien à l'abri dans les petites cervelles des corps serviles ! Quelle leçon. Quelle grandeur.
Elle se surprit à songer qu'elle devait être plus que stupide pour dire ses griefs à voix haute quand l'on pouvait se soulager in-petto. Se soulager par des pensées, se soulager les intestins... Au fond, c'était du pareil au même, au vu du résultat.
Elle avait toujours pensé qu'il était parfois bon de penser à voix haute. Les meilleures pensées étaient, outre celles que l'on voyait fleurir sur les rebords de fenêtres au printemps, celles qui faisaient écho par la voix ou l'écrit.
Enfin, elle était si loin et si occupée que ce qu'elle pensait ne comptait guère, n'est-ce pas ?
Sujet: De l'art de penser (valable hélas partout et en tous temps) 
Dim 16 Nov 2008 - 18:24
